Enquête sur les nouveaux caïds de Marseille
Provenance de l’article : Paris Match
Légende photo : Vue sur Marseille depuis la cité de la Castellane, à quelques kilomètres du port. En médaillon : « La Baleine » et «Souris », leurs surnoms. À g., Hakim Berrebouh, 40 ans, incarcéré à Dubaï. La France demande son extradition. À dr., Kamel Meziani, 37 ans, détenu en France et soupçonné d’être un des « patrons » du bâtiment A, aux Oliviers. Frédéric Lafargue / Paris Match, DR
De notre envoyée spéciale à Marseille Émilie Blachere
La Castellane est surnommée la « cité interdite ». Ce quartier de 1 250 « habitations à loyer modéré » est devenu l’une des zones les plus violentes de France. Nous avons enquêté pendant un mois pour vous raconter comment, avec son Vieux-Port mais surtout sept de ses quelque 150 cités, Marseille tient désormais le rôle principal dans une guerre qui mine la République.
Karim, commerçant, la quarantaine, ne s’avise jamais de décliner en public l’identité des vrais parrains marseillais. Karim est paranoïaque. Pour lui, c’est l’autre nom de la prudence. « Les murs entendent tout », chuchote-t-il en avalant son kebab dans l’arrière-boutique d’un snack, à cent pas de la Busserine. « Marseille, reprend-il, est un village où tout le monde se connaît. Celui qui dit l’inverse ment. Soit il est impliqué dans le trafic, soit il ne veut pas mourir… »
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Selon nos informations, huit clans insatiables se disputent le marché de la drogue dans la cité phocéenne. Une poignée d’hommes s’en partagent le pactole, colossal. Un « Game of Thrones » du deal où des rivalités anciennes opposent le clan de certains membres des familles Tir et Berrebouh, chefs de la cité des Flamants, aux patrons du quartier voisin, Font-Vert, fief de la bande de feu Mehdi Remadnia.
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À deux kilomètres, aux Lauriers, dans le XIIIe arrondissement, un autre front, un autre royaume. Depuis sa cellule, en prison, le patriarche comorien Djoussouf Ahamada, surnommé « Sénateur », veillerait sur son « clan des Blacks », férocement engagé dans une conquête de territoires qui le confronte aux frères M., alias « les Gitans », soupçonnés de gérer les secteurs Marignane-Gignac, et à la clique de Kamel Meziani, dit « Souris », commandant présumé des Oliviers A. Enfin, plus loin, sur la route de l’Estaque, les frères Laribi – « Labi », fraîchement libéré, et son cadet « Tic » –, supposés régner sur Bassens, sont aussi puissants et dangereux que les Kabyles « Nono » et « Mimo », parrains redoutés de la Castellane. La carte qui se dessine, effrayante, maille tout le terrain.
La ville de 900 000 habitants compte environ 150 cités et autant de points de vente de drogue. On les appelle les « magasins ». De shit, d’herbe, de cocaïne, d’héroïne, d’ecstasy… « Aucun plan “stups” n’est autonome, dit une source policière. Tous dépendent d’une filière solide, structurée. Dès qu’un “magasin” grossit, les réseaux forcent un partenariat. Interdiction de refuser, sous peine de mort… » L’omerta écrase les cités. Dans les quartiers nord, des corps truffés de balles et brûlés s’entassent pendant que l’argent s’amasse. Le deal brasse jusqu’à 100 000 euros de chiffre d’affaires et 2 000 clients par jour et par « magasin ».
La Castellane (XVe), les Oliviers A (XIIIe) et la Paternelle (XIVe) battent tous les records, talonnées par Bassens (XVe) et Campagne-Lévêque (XVe).
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