Les causes de la mort de milliers de travailleurs migrants dissimulées par le Qatar
Provenance de l’article : Amnesty International
Légende photo : © Niranjan Shrestha/AP/Shutterstock
Depuis que la FIFA (Fédération internationale football association) a confié, en 2010, l’organisation de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, plusieurs milliers de travailleurs migrants sont décédés sur de grands projets d’infrastructures dans le pays. Malgré les nombreuses informations qui établissent un lien entre la mort de ces travailleurs et leurs conditions de travail dangereuses, les autorités qatariennes n’ont mené aucune enquête exhaustive sur les réelles causes des décès.
Nous avons enquêté sur les décès de nombreux travailleurs migrants au Qatar. Selon nos recherches, près de 70 % de ces décès restent inexpliqués. Les statistiques officielles du Qatar indiquent que plus de 15 021 personnes non qataries – de tous âges et de toutes professions – sont mortes entre 2010 et 2019. Mais, sans enquête, les données sur les causes des décès ne sont pas fiables.
Malgré de nouvelles dispositions pour protéger les travailleurs dans le pays, certains dangers majeurs persistent, tels que les conditions climatiques extrêmes du Qatar, en particulier quand elles sont associées à un travail physiquement exténuant. Aucune mesure concrète n’a été prise pour y faire face.
Notre rapport donne la parole aux familles des victimes et dénonce l’inaction des autorités qatariennes malgré des milliers de morts.
DES CONDITIONS DE TRAVAIL DANGEREUSES
Quand des hommes relativement jeunes et en bonne santé meurent soudainement après de longues heures de travail par une chaleur extrême, cela incite à s’interroger sur la sécurité des conditions de travail au Qatar. L’un de ces risques les plus documentés et prévisibles pour la vie et la santé des travailleurs et travailleuses au Qatar est l’exposition à une chaleur et une humidité extrêmes. Pourtant, le Qatar délivre régulièrement des certificats de décès pour ces travailleurs migrants, sans avoir mené d’enquête adéquate. Pire, les autorités qatariennes attribuent leur mort à des « causes naturelles » ou à de vagues problèmes cardiaques.
En s’abstenant d’enquêter sur les causes sous-jacentes de la mort de ces travailleurs migrants, les autorités qatariennes ne tiennent aucun compte des signaux d’alarme qui auraient pourtant permis de sauver des vies. Il s’agit d’une violation du droit à la vie, que l’État se doit pourtant de protéger.
DE NOMBREUX DÉCÈS À CAUSE DE CES CONDITIONS DE TRAVAIL EXTRÊMES
Nous avons examiné 18 certificats de décès de travailleurs migrants délivrés par le Qatar entre 2017 et 2021. Quinze de ces documents ne fournissent aucune information sur les causes sous-jacentes du décès, indiquant des causes n’étant « pas liés au travail ». Les expressions dénuées de sens utilisées pour qualifier les décès (« insuffisance cardiaque », « cause naturelles ») nous incitent à penser qu’aucune enquête n’a été menée sur ces cas et masquent le fait que de nombreux décès restent inexpliqués.
Nous avons également mené des entretiens avec les familles de six travailleurs migrants décédés, qui avaient tous entre 30 et 40 ans au moment de leur mort et n’avaient aucun problème de santé connu. Manjur Kha Pathan, 40 ans, était conducteur de camion et il travaillait entre 12 et 13 heures par jour. Il avait signalé que la climatisation dans la cabine de son camion ne fonctionnait pas normalement.
Manjur Kha Pathan a perdu connaissance et est mort au travail le 9 février 2021. Sujan Miah, 32 ans, était tuyauteur et il travaillait sur un chantier dans le désert. Ses collègues l’ont trouvé mort dans son lit le matin du 24 septembre 2020. Pendant les quatre jours qui ont précédé la mort de Sujan Miah, la température avait dépassé les 40°C. Suman Miah, Yam Bahadur Rana et Mohammad Kaochar Khan, Tul Bahadur Gharti, âgés tous les quatre de 34 ans sont également morts après avoir été exposés à un travail difficile dans des conditions climatiques extrêmes.
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